Que s’est-il passé en 2021 ? (à part la création de notre association Écologie & Démocratie, le 17 novembre)
Climat
Au cours de l’été, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a dépassé 419 parties par million. C’est une hausse de moitié par rapport au niveau pré-industriel. Ce taux n’a jamais été atteint depuis trois millions d’années. La teneur de l’air en méthane et en protoxyde d’azote bat aussi des records.
En août, le GIEC a publié un nouveau rapport. Scientifiquement, nous connaissons toujours mieux la menace du réchauffement climatique. Les Shifters en ont fait ce bon résumé. Cependant le transfert de Léo Messi de Barcelone vers le Paris-Saint-Germain a effacé le sujet des médias. Suki Manabe a reçu le prix Nobel pour ses modèles climatiques. Plus tard dans l’année, la 26ème conférence internationale sur le climat (COP 26 à Glasgow) a marqué des progrès minuscules.
En France, Emmanuel Macron a marqué l’année en torpillant les propositions intéressantes faites par la Convention citoyenne sur le climat. De renoncement en soumission aux lobbies, le gouvernement a produit en août une loi climat pathétique au regard des enjeux. Aussi, la justice française a condamné l’état français pour ses insuffisances dans la lutte contre le changement climatique. Le Haut conseil pour le climat a également publié des notes sévères.
Concrètement, le réchauffement climatique s’est traduit par des canicules ou « dômes de chaleur », des sécheresses, des mégafeux (Canada, Californie, Grèce, Sibérie). On a parlé d’une première famine climatique (Madagascar) mais ce n’est pas (encore) justifié. Globalement, le réchauffement de la planète tend à stimuler le régime des pluies, ce qui augmente la probabilité de grandes inondations et de catastrophes météorologiques (Allemagne et Belgique en juillet, Inde, Chine, Brésil, Venezuela). Ce n’est cependant que le début des ennuis.
Selon la climatologue Valérie Masson-Delmotte, l’enjeu principal est de maîtriser la demande en énergie fossile, en matériaux non-renouvelables et en protéines animales par la mise en place « d’innovations frugales ». Y’a plus qu’à.
Biodiversité
Dans son rapport annuel, l’Observatoire national de la biodiversité nous explique que « les scientifiques constatent, partout dans le monde, le rythme sans précédent du déclin de la biodiversité. » Avec un zoom sur la question de la pollution lumineuse : « 85% du territoire est exposé à un niveau élevé de pollution lumineuse, qui constitue une menace pour de nombreuses espèces. »
Dans un entretien donné à Time for the planet, le biologiste Gilles Bœuf nous explique que ce n’est pourtant que le début. En effet, nous ne sommes qu’à l’aube de la sixième extinction.
Énergie
La France a produit sa 1ère année d’électricité sans la contribution de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020 suite à un vieil accord électoral entre le parti socialiste et EELV.
Faisant volte-face sur la question nucléaire, le Président Macron a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires EPR en France. Des réacteurs arrivent en fin de vie, il est normal que cette proposition soit dans le débat public. Cependant, la méthode de décision est scandaleuse : le monarque tranche seul.
Notre voisin belge a décidé de fermer ses 7 centrales nucléaires d’ici 2025. La Belgique rejoint ainsi l’Italie, la Grèce, l’Autriche, le Luxembourg, l’Espagne et bien sûr l’Allemagne. Pourtant, des spécialistes comme Jean-Marc Jancovici ou Bertrand Cassoret nous expliquent que l’énergie nucléaire est un atout précieux dans notre désintoxication aux énergies carbonées.
Un grand rapport publié par le gestionnaire du réseau électrique RTE présente des scénarios 100 % renouvelables et des scénarios renouvelables + nucléaire. Le Réveilleur Rodolphe Meyer a comme d’habitude fait un excellent travail de vulgarisation sur le sujet.
En octobre, on a appris que l’entreprise pétrolière Total connaissait la gravité du sujet climatique dès 1986, via un rapport interne à Elf. Le rapport détaillé est ici. Ainsi que le rapporte le média Elucid, « dans les années 80, pleinement informé de la nature et de la gravité du danger, Total s’est associé à une vaste entreprise de disqualification de la base scientifique du réchauffement climatique en participant à la fabrication du doute. » Cela fait donc des décennies que cette firme détruit sciemment le climat global. Le déni climatique organisé n’est pas réservé aux majors pétrolières américaines.
La fin d’année a été marquée par une forte hausse du prix de l’énergie, très difficile à vivre pour les ménages modestes.
Le dernier jour de l’année, en catimini, l’Union européenne a scandaleusement proposé d’accorder un label vert à la production d’électricité par gaz qui est pourtant une des énergies carbonées dont il faut se passer en urgence.
Pêche
Un accord lié au Brexit mal négocié par l’UE (et Michel Barnier) a créé des tensions entre la France et l’Angleterre autour de la pêche. Une centaine de pêcheurs français ont perdu leur licence dans les eaux anglaises. Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit, a bien expliqué la situation. La France s’est déshonorée en menaçant de couper électricité à l’île de Jersey.
L’Union européenne a interdit la pêche électrique. C’est bien, mais cela ne doit pas faire oublier que l’Union européenne encourage la productivité en matière de pêche (c’est même l’objectif n°1 de la politique européenne de la pêche) et fragilise les populations de poissons autour du continent.
Agriculture
En juin, des chercheurs du CNRS ont publié une étude qui explique qu’un système agro-alimentaire biologique, durable et respectueux de la biodiversité pourrait être mis en place en Europe. Trois conditions : moins de produits animaux, l’application des principes de l’agro-écologie (rotations fortes, suppression des engrais azotés et des pesticides) et le rapprochement culture-élevage. En effet, aujourd’hui, les cultures végétales et l’élevage sont souvent déconnectés et concentrés dans des régions spécialisées.
En novembre, l’Union européenne a voté une nouvelle politique agricole commune (PAC) pour les 7 années à venir. Malheureusement, pas du tout dans la lignée de l’étude du CNRS. A l’opposé même. La PAC ne prend pas en compte les crises du climat et de la biodiversité. La PAC continuera à profiter aux exploitations les plus grandes et les plus productivistes. D’ailleurs, comme pour la pêche, l’objectif n°1 de la PAC est la productivité. Soyons clairs : aucune orientation vers une agriculture paysanne écologique et résiliente n’est possible dans le cadre de la PAC.
Comme chaque année, l’agriculture bio a progressé. Mais le gouvernement pousse surtout le label « Haute qualité environnementale ». Un label bidon, comme le montrent cette note d’Elsa Casalegno pour Que Choisir ou cette enquête de Sophie Chapelle pour Basta.
Pesticides
Des scientifiques nous alertent sur le fait que les pesticides sont mal encadrés et mal surveillés.
Santé publique France a publié le résultat d’études sur la contamination des Français par un certain nombre de substances indésirables. Résultat : une présence généralisée. « Les adultes sont exposés notamment à certains organochlorés, au métabolite des organophosphorés (DMTP), aux pyréthrinoïdes (une famille d’insecticides utilisés comme répulsifs contre les moustiques par exemple et employés dans les domaines agricole ou vétérinaire) aux PCB, dioxines et furanes tandis que les enfants sont exposés au DMTP et aux pyréthrinoïdes. »
Faute de volonté politique, le plan Ecophyto est un échec complet. Ainsi que le rapporte Anne-Laure Barral de la cellule investigation de Radio-France, « 800 millions d’euros devaient permettre de réduire l’usage des pesticides en France de moitié en 10 ans. Résultat : il a augmenté de 15 %. L’argent est parti dans des projets inefficaces, lorsqu’il n’a pas été tout simplement détourné. »
Les néonicotinoïdes, pesticides tueurs d’abeilles, ont continué d’être utilisés en France, notamment sur les betteraves. Par ailleurs, des ONG ont révélé que la France continuait d’exporter des néonicotinoïdes.
On a appris en 2021 que la consommation de pesticides avait augmenté en 2020. Par ailleurs, le président Macron a renoncé à agir à l’échelle française et attend un accord européen… Façon de renoncer tout court.
En fin d’année, le gouvernement a reconnu le cancer de la prostate comme maladie professionnelle pour les travailleurs agricoles. Très tardivement. Ce cancer est notamment causé par le chlordécone, un pesticide longtemps utilisé sur le bananier dans les Antilles. Le taux de cancer de la prostate y est l’un des plus élevés au monde. Ce documentaire militant montre bien ce scandale.
Forêts
Le gouvernement détruit l’Office national des forêts (ONF). Des milliers de postes ont été supprimés. Les agents de l’ONF ont manifesté en novembre.
En avril, l’association Canopée nous a expliqué que les importantes exportations de chêne vers la Chine pénalisent les scieries françaises et pourraient conduire à « un abandon de la sylviculture du chêne au profit des résineux. » Déjà 84 % des nouvelles plantations d’arbres sont monospécifiques (une seule essence de bois) et 9 plants sur 10 sont des résineux ou des peupliers de culture.
Dans nos campagnes, les citoyens s’indignent d’une pratique très anti-écologique : la coupe rase. Exemple en Creuse.
Comme pour l’agriculture et la pêche, l’objectif n°1 de la politique forestière européenne est l’augmentation permanente de la productivité. Le ministre français est également sur une ligne productiviste.
Béton
Amazon a dû annuler un projet d’entrepôt géant près du Pont du Gard. Des mobilisations citoyennes essaient d’empêcher l’implantation d’Amazon partout en France, comme ici dans la Sarthe.
Malheureusement, l’urbanisation continue d’engloutir d’excellentes terres agricoles à fort potentiel de biodiversité. C’est par exemple le cas en Île-de-France. Alors que l’on sait que les grandes villes devraient dégonfler pour être plus durables, on bétonne. Côté nord à Gonesse (malgré l’excellent projet alternatif Carma conçu par Luc Dupont) et Aubervillers. Côté sud à Saclay et avec la construction de la ligne 18 du métro du Grand Paris Express. On peut lire par exemple cet article d’Emilie Petit pour Blast.
Vinci a mis en service le grand contournement ouest de Strasbourg. Cette autoroute payante de vingt-quatre kilomètres est anachronique à l’heure du défi climatique.
International
En Allemagne, Angela Merkel a quitté la chancellerie. Olaf Scholz (un François Hollande sans les petites blagues) l’a remplacée. Après un bon score aux législatives, les Verts allemands font partie de la nouvelle coalition. Le nouveau gouvernement est cependant plus européiste et atlantiste qu’écologiste. Olivier Berruyer en parle bien dans cet entretien au Media.
La Pologne a mis un coup de pied dans la fourmilière européenne. En déclarant certains points des traités européens incompatibles avec sa constitution nationale, le gouvernement polonais s’est attiré les foudres des européistes. Pour tout comprendre, vous pouvez lire notre dossier.
L’année américaine, qui avait commencé par le lamentable assaut du Capitole, a été marquée par la première année décevante du président Joe Biden. Le « Green deal » (une promesse pas si écolo de faire pleuvoir les dollars) est au point mort. Toujours aux USA, les décès de Colin Powell et de Donald Rumsfeld nous rappellent la brutalité de la doctrine néoconservatrice. Ces millions de morts au Moyen-Orient, en Irak notamment, pour une guerre du pétrole.
Le contrat perdu en Australie (une vente de sous-marins annulée) a montré la marginalisation de la diplomatie française dans le Pacifique.
Autres nouvelles : les USA ont laissé Kaboul aux Talibans. Un coup d’état a eu lieu en Birmanie. Un jeune écologiste est devenu président du Chili. A noter aussi, la mort de Abdelaziz Bouteflika, l’ancien président algérien, et de Idriss Déby, ancien président du Tchad.
Politique en France
En 2021, les deux départements alsaciens ont fusionné. Ils forment désormais la communauté européenne d’Alsace. Malheureusement, ce changement trahit un référendum qui avait refusé cette fusion en 2013.
Les élections régionales ont largement reconduit les présidents de région sortant. Cela a un peu requinqué le PS et les Républicains. L’abstention a été très forte.
C’est le début de la campagne présidentielle de 2022. Beaucoup de candidats ont des difficultés à trouver les cinq cents parrainages nécessaires à la candidature. Cette barrière pourrait les empêcher de se présenter.
Deux grandes lois du quinquennat, la loi Sécurité globale et la loi Séparatisme, effritent dangereusement les libertés publiques.
2021 est l’année de la vaccination contre le Covid et du passe sanitaire qui devient passe vaccinal. Le président Macron a choisi de faire massivement peser les contraintes sur les non-vaccinés. Il a créé de fait deux catégories de français, dont l’une voit sa vie sociale fortement dégradée. Ce sont des conseils de défence qui ont pris l’ensemble des décisions liées à la pandémi, de façon unilatérale. Le secret-défense est injustifié. De leur côté, les Suisses ont voté par référendum la loi qui instaure leur passe sanitaire. Pourquoi pas en France ?
Cumulée à d’autres problèmes, la politique sanitaire autoritaire du gouvernement a provoqué un soulèvement en Guadeloupe et en Martinique.
La justice a mis en examen le ministre français de la justice Dupond-Moretti ; il reste en poste. L’ancien président Nicolas Sarkozy a été condamné par deux fois à de la prison ferme. L’ancien premier ministre François Fillon (qui a été condamné à cinq ans de prison en première instance en 2020) a rejoint le conseil d’administration de deux groupes pétroliers russes. La disgrâce a frappé l’ancien ministre de l’écologie Nicolas Hulot suite à plusieurs accusations d’agression sexuelle voire de viol.
Un terroriste tunisien a assassiné une policière à Rambouillet. La justice a organisé le procès des attentats sanglants de 2015. Les témoignages terribles ont été nombreux.
A noter encore, la mort de Pierre Rabhi, celles de Bernard Tapie, de Georges Pernoud (l’animateur de Thalassa) et de Jean-Paul Belmondo.
Conclusion
Rien ne va ! Aucune transition écologique n’a lieu. Il semble bien que nous soyons sur le chemin de l’effondrement.
L’exécutif ne prend pas au sérieux la crise écologique et fragilise la démocratie. C’est évidemment l’inverse de ce que nous défendons à Écologie & Démocratie.