Mais qui est Suki Manabe ? Et pourquoi a-t-il reçu le prix Nobel ?
Suki a 90 ans. Il est japonais-américain. Et hier matin, un coup de téléphone l’a sidéré.
« D’habitude, le prix Nobel de physique est donné à des physiciens de recherche fondamentale. Oui, mon travail est basé sur la physique, mais c’est de la physique appliquée, de la géophysique. C’est la première fois que le prix Nobel est donné pour le type de travail que j’ai fait. »
Pionnier des simulations climatiques
L’Académie royale des sciences de Suède a expliqué que Suki Manabe a été le premier à développer des modèles climatiques sur ordinateur.
« Dans les années 1960, Suki Manabe a développé des modèles physiques du climat de la Terre. Ses travaux ont jeté les bases du développement des modèles climatiques actuels. Suki Manabe a démontré comment l’augmentation du carbone dans l’atmosphère entraîne une augmentation des températures à la surface de la Terre. »
Suki Manabe a fait une brillante carrière en tant que météorologue et climatologue. Il a construit avec ses collègues des simulations de plus en plus complexes et précises.
Des anticipations correctes
En particulier, le rapport Charney remis à la Maison Blanche de Jimmy Carter en 1979 cite Suki Manabe. À l’époque, Giscard d’Estaing était président en France. Ce rapport expliquait la chose suivante :
« Depuis plus d’un siècle, nous savons que des changements de la composition de l’atmosphère peuvent changer sa faculté à absorber l’énergie du Soleil. Nous avons la preuve irréfutable que l’atmosphère change et que nous contribuons à ce changement. Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone augmentent continûment, ce qui est lié à la combustion des ressources fossiles et à l’utilisation des sols. Puisque le dioxyde de carbone joue un rôle significatif dans l’équilibre thermique de l’atmosphère, il est raisonnable de penser que son augmentation continue affectera le climat. »
A cette époque, les modèles de Suki Manabe prévoyaient qu’en en cas de doublement du carbone dans l’atmosphère, la température globale augmenterait de +2°C. Ceux de James Hansen prévoyaient +4°C. Le rapport Charney, s’appuyant plutôt sur les travaux de Akio Arakawa, anticipait +3°C.
Bref, la catastrophe climatique était correctement anticipée.
Malheureusement, quarante ans après, le nombre de centrales électriques fonctionnant au charbon dans le monde a triplé, passant de 850 à 2400 unités. Le nombre de voitures en circulation a quadruplé, de 300 millions d’automobiles en 1979 à 1,2 milliard.
Comme une mission spatiale
Le grand climatologue français Hervé Le Treut explique qu’aujourd’hui la mise en place d’un modèle climatique est un très grand projet scientifique. En effet, un tel projet se mène sur 10 ou 20 ans. Il peut impliquer plus de cent chercheurs et compiler plus d’un million de lignes de code. Hervé le Treut compare même la complexité d’un modèle climatique à une mission spatiale. Il y a deux grands modèles climatiques en France : celui de Météo-France et celui de l’IPSL. Ces modèles seraient peut-être différents sans l’influence de Suki Manabe.
Images : Geophysical Fluid Dynamics Laboratory (GFDL) et Princeton University, Office of Communications, Denise Applewhite, 2021