Ce n’est pas interdit par la loi, mais c’est une anomalie profonde. Renault et Peugeot vont sponsoriser la présidence française de l’Union européenne qui commence au 1er janvier 2022.
La présidence française de l’Union européenne est un événement diplomatique important. Le précédente présidence française remonte à 2008, il y a plus de 10 ans. Des entreprises privées financeront cette présidence française. Imagine-t-on un conseil des ministres sponsorisé par Coca-cola ? L’Elysée rebaptisé Palais présidentiel Microsoft ? Ce qui paraît inconcevable en France est pourtant une pratique habituelle pour l’Europe.
Une pratique décriée mais habituelle
En 2018 les fabricants de voitures de luxe Audi et Porsche ont sponsorisé la présidence autrichienne. En 2019 le grand vendeur de boissons très sucrées sous plastique Coca-Cola a sponsorisé la présidence roumaine. L’année suivante, la présidence croate a été sponsorisée par l’entreprise pétrolière INA. Enfin, en 2021, la présidence slovène a été sponsorisée par une entreprise de boissons alcoolisées, OREL.
La liste des industriels ayant apporté leur argent est longue. On trouve aussi Microsoft (tant pis pour la souveraineté numérique), BMW et Mercedes, des assureurs, une compagnie de voyage par avion et ainsi de suite.
Bref, c’est une pratique scandaleuse mais régulière, quasi systématique.
Image Foodwatch
Ce mécénat n’a pas sa place et montre de façon symbolique à quel point les institutions européennes sont perméables aux lobbies des grandes multinationales. Une pétition lancée par Foodwatch et Corporate Europe Observatory avait explicitement demandé à la France de renoncer à ce mécénat privé.
L’Elysée, Matignon, le Quai d’Orsay, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et la Représentation permanente de la France auprès de l’UE (RPUE) ont ignoré cette pétition.
Risque démocratique
Le sponsoring pose évidemment un problème de conflit d’intérêt. Ainsi que l’explique l’Observatoire des multinationales :
« le sponsoring privé des présidences de l’UE offre à des entreprises comme Renault ou Coca-Cola un accès privilégié aux décideurs, pour mieux faire passer leurs idées et leurs priorités et imposer leur agenda politique. »
Les politiciens risquent donc de ne pas être prendre les décisions publiques dans l’intérêt des citoyens, comme c’est le cas en démocratie, mais dans l’intérêt des industriels.
Ici, les sponsors sont Renault et Stellantis (Peugeot-Citroën-Fiat-Chysler). Ce sont de grands fabricants d’automobiles de niveau mondial. Ils orientent massivement leur production vers des véhicules imposants à l’allure de 4×4, des « SUV » comme le Captur, le Kadjar, le 5008 ou le C5-aircross.
Un SUV Peugeot
Ces véhicules voraces en énergie sont évidemment en décalage avec les principes élémentaires de l’écologie. Outre le train, le vélo, l’autopartage et les transports en commun, il faudrait plutôt s’orienter vers des voiturettes polyvalentes et légères.
La Convention citoyenne sur le climat avait bien identifié cette problématique en proposant l’interdiction de la publicité pour ces SUV. C’était avant que Emmanuel Macron ne fasse un bras d’honneur à tous les écologistes de France. En effet, il a rompu ses promesses en vidant de sa substance la loi climat.